Cour constitutionnelle : un enfant doit pouvoir connaitre son géniteur

Lorsqu’elle décide d’avoir un enfant via une procréation médicalement assistée (en bref, une « PMA »), une femme doit être fécondée par un don de sperme. Quand celui-ci est anonyme, l’enfant né de cette fécondation ne sait pas qui est son père biologique. Il ignore non seulement son nom, son identité, mais aussi toutes ses caractéristiques physiques, intellectuelles, sociales, etc.

Une totale ignorance

Actuellement, cet enfant l’ignorera toute sa vie parce que la loi belge interdit formellement à un centre de fécondation de transmettre la moindre information concernant le donneur. Il ne peut ni donner son identité ni même fournir des renseignements anonymes qui le concerneraient (il s’agit de l’article 458 du Code pénal et de l’article 57 du la loi du 6 juillet 2007, notamment relative à la procréation médicalement assistée).
Une femme ayant eu deux filles grâce à un don anonyme de sperme et l’une de ses filles se sont adressées au Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles. Elles désirent recevoir les informations connues par l’hôpital au sujet du donneur. Selon la loi actuelle, le Tribunal ne peut pas répondre à cette demande.
Le juge s’adresse alors à la Cour constitutionnelle en lui posant une question : ces interdictions de transmettre des informations concernant le donneur respectent-elles bien le droit au respect de la vie privée et familiale ? Ce droit est inscrit à l’article 22 de la Constitution belge et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Non, dit la Cour

Par son arrêt du 26 septembre 2024, la Cour a tranché : l’interdiction d’informer un enfant né d’une PMA grâce à un don anonyme de spermatozoïdes est inconstitutionnelle.
La Cour examine les raisons de ces dispositions légales et leur intérêt tant pour le donneur que pour l’enfant né de ce don. D’un côté, elles protègent des intérêts légitimes : par exemple, elles veulent éviter que le nombre de donneurs diminue. De l’autre, le droit au respect de la vie privée et familiale entraîne un droit à l’identité, au développement personnel. Cela signifie aussi, par conséquent, de connaitre son ascendance.
La Cour estime que le législateur n’a pas tenu compte d’un juste équilibre entre ces intérêts différents. Il a donné une priorité absolue aux intérêts du donneur, au détriment de l’enfant et de son droit à une vie privée et familiale. En effet, quel que soit le pourquoi de sa demande, il n’obtiendra aucune information. Il n’obtiendra même pas d’informations anonymes, qui ne celles qui ne permettraient pas d’identifier le donneur.

Anticonstitutionnel !

Dans cette mesure, l’article 458 du Code pénal et l’article 57 de la loi du 6 juillet 2007 violent l’article 22 de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ils sont bien inconstitutionnels.
Une nouvelle loi doit être élaborée, au plus tard le 30 juin 2027. Un délai est donc prévu avant son application parce qu’il faudra trouver un équilibre entre les intérêts des donneurs et les intérêts des enfants. En attendant, la loi actuelle restera appliquée.

 

Article original publié sur Justice-en-ligne

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