1. Le Collège des procureurs généraux a été créé le 4 mars 1997.
Il réunit les cinq procureurs généraux d’Anvers, Gand, Bruxelles, Liège et Mons, mandatés pour cinq ans par le Conseil supérieur de la justice.
Il se réunit une fois par semaine avec le procureur fédéral et est présidé à tour de rôle par l’un des procureurs généraux pendant un an.
Ce président, avec l’aide du directeur du service d’appui, gère le Collège de l’intérieur, organise les réunions, leur ordre du jour et constitue surtout le point d’entrée des très nombreuses sollicitations confiées au Collège, auxquelles il donne immédiatement l’orientation adéquate. Il veille à agir avec diligence en tenant compte de certains délais qui doivent impérativement être respectés.
2. Depuis 2014, les points qui concernent l’organisation et la gestion du ministère public dans son ensemble ainsi que la mise en œuvre de la politique criminelle, sont toutefois examinés par le Collège du ministère public, qui est alors composé du Collège des procureurs généraux auquel sont adjoints trois représentants du Conseil des procureurs du Roi, un représentant du Conseil des auditeurs du travail et deux secrétaires en chefs.
3. Procureure général de Mons, Ingrid Godart fait donc partie du Collège des procureurs généraux. Elle a bien voulu nous éclairer sur son fonctionnement.
Trois rôles
4. L’article 143bis du Code judiciaire précise les trois missions principales du Collège des procureurs généraux.
Premièrement, il doit déterminer la politique criminelle applicable au niveau national, en assurer la cohérence et l’application uniforme dans l’ensemble du pays. Il y travaille, notamment, par l’élaboration de circulaires dites « COL », contraignantes pour tous les acteurs du ministère public.
Deuxièmement, il vise à assurer le bon fonctionnement du ministère public dans l’ensemble du pays.
Troisièmement, il éclaire et conseille à sa demande le ministre de la Justice notamment au moyen d’avis rendus sur tel ou tel texte législatif en préparation. À défaut d’avoir été préalablement sollicité à ces fins, le Collège peut décider aussi ponctuellement de rendre un avis d’office sur un projet de texte de loi susceptible d’impacter le fonctionnement du ministère public ou la politique criminelle qu’il défend.
Des réseaux d’expertise
5. Un arrêté royal du 9 décembre 2015 attribue un certain nombre de « portefeuilles » à chaque procureur général.
Ces portefeuilles sont des compétences liées à des domaines tout à fait spécifiques gérés par des réseaux d’expertise. Ainsi, le parquet général de Mons gère les portefeuilles de la police, de la circulation routière, de la criminalité urbaine, des armes, du droit civil, du droit judiciaire, du droit des étrangers et de la bioéthique.
6. Chaque réseau d’expertise est dirigé par un coordinateur principal, qui est un magistrat du parquet général ou de l’auditorat général désigné par le procureur général. Il est composé de magistrats du parquet fédéral, des parquets de première instance ou des auditorats du travail, ainsi que, le cas échéant, d’autres experts.
Ce réseau va analyser et donner un avis sur un certain nombre de problématiques particulières d’ordre juridique, pratique ou plus conceptuel et veiller à en promouvoir la circulation et la documentation entre les membres du ministère public ainsi que vis-à-vis des autres partenaires directement concernés.
Ainsi par exemple, quand une problématique particulière remonte vers le Collège, le réseau d’expertise compétent en est saisi avec pour mission de trouver une solution en prévoyant des directives précises, qui devront être examinées et approuvées par le Collège. celui-ci leur confèrera alors une valeur contraignante de manière à asseoir des pratiques uniformes et cohérentes.
Ce sont les « circulaires COL » déjà citées plus haut.
Un exemple ?
7. En 2018 débute l’affaire Chovanec, du nom d’un ressortissant slovaque en crise, maitrisé par des policiers à l’aéroport de Charleroi et décédé plus tard à l’hôpital.
Cette affaire a mis en exergue les difficultés de communication rencontrées par les autorités judiciaires et les autorités disciplinaires dans le cadre d’un dossier en cours d’instruction. Elle a également mis en évidence la difficulté de prise en charge adéquate par des policiers de ces personnes en état de crise susceptibles d’être prises en charge par le milieu médical.
Ayant réalisé à ce sujet une enquête approfondie, le Conseil supérieur de la justice a émis un certain nombre de recommandations parmi lesquelles celle d’uniformiser et d’améliorer la communication entre les autorités judiciaires, d’une part et les autorités disciplinaires d’autre part.
Un groupe de travail (composé de magistrats de terrain, de magistrats des parquets généraux, de policiers, de représentants des service de l’inspection générale) a retravaillé une circulaire préexistante et l’a reformulée de fond en comble pour endiguer les difficultés apparues lors de cette affaire. Un texte beaucoup plus précis et prévoyant tous les cas de figure a été élaboré et est devenu une directive contraignante du Collège des procureurs généraux. En outre, une circulaire commune du Collège des procureurs généraux, du ministre de la Justice, de la ministre de l’Intérieur et du ministre de la Santé publique prévoit un certain nombre de mesures à respecter afin d’assurer une prise en charge rapide et adéquate d’une personne en crise en dépit du caractère multidisciplinaire d’une telle intervention.
8. Ingrid Godart résume :
« La finalité d’une politique criminelle cohérente est évidemment d’assurer une protection maximale des droits des justiciables et des valeurs fondamentales de notre société démocratique ».
Qu’appréciez-vous dans ce travail ?
9. Quand on demande à Madame la procureure ce qu’elle apprécie dans son travail, elle n’hésite pas : « Tout ! » répond-t-elle en riant.
Et elle ajoute : « Et ceci en dépit de la charge énorme de travail qui ne vous laisse pas de vie privée ! C’est un métier passionnant dont je découvre chaque jour une nouvelle facette ».
10. Elle explique :
« En fait, ce sont trois métiers en un !
Je suis procureur général du parquet général et de l’auditorat général de Mons, donc chargée de son bon fonctionnement interne. Je dois veiller à ce que l’ensemble des missions qui lui sont dévolues soient bien remplies. Il faut que les citoyens aient des réponses pénales adéquates dans un délai socialement acceptable et c’est déjà un gros challenge avec les moyens qui sont les nôtres. Il faut encore veiller à ce que les collègues – magistrats et membres du personnel administratif – travaillent dans de bonnes conditions. Le bien-être au travail est important : pour bien travailler, il faut être épanoui au travail !
Je suis aussi le procureur général du ressort de la Cour d’appel de Mons, soit de la totalité de la province de Hainaut. Dans ce cadre, il faut veiller à la mise en œuvre cohérente et à la coordination de la politique criminelle au niveau du ressort, à ce que les missions du ministère public soient accomplies avec la célérité et la rigueur requises. Pour ce faire, des concertations régulières avec les procureurs du Roi (Mons et Charleroi) et l’auditeur du travail sont nécessaires. Il s’agit notamment de les épauler pour trouver des réponses efficaces aux difficultés qu’ils rencontrent. S’il y a un dysfonctionnement, je dois le détecter et mettre en œuvre les moyens d’appui ou de contrôle nécessaires pour que ce dysfonctionnement cesse le plus rapidement possible.
Et, troisième « métier », je fais partie du Collège des procureurs généraux. J’ai là un rôle différent, moins opérationnel : on n’y travaille pas sur des dossiers concrets ou individuels mais plutôt sur des matières d’ordre stratégique ou conceptuel, visant à la détermination de la politique criminelle dans son ensemble. On s’élève d’un échelon si vous voulez, mais la finalité reste la même : comme je l’ai déjà souligné, il s’agit d’offrir à aux justiciables une protection maximale de leurs droits en respectant le sens du service public.