1. « L’aide juridique est en nette augmentation », voilà ce qu’on a lu et entendu ces dernières semaines.
L’accès au droit serait-il alors devenu effectif ?
Certes, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais il ne fait pas de doute que ces trois dernières années ont vu croître les demandes comme les prestations en aide juridique de deuxième ligne.
2. Mais de quoi s’agit-il précisément ?
Depuis une importante réforme en 1998, on distingue l’aide juridique de première ligne, qui consiste en un premier conseil donné sans conditions à toute personne intéressée, de l’aide juridique de deuxième ligne, qui consiste en la désignation d’un avocat assistant un justiciable qui répond à des conditions financières strictement définies.
C’est de cette aide juridique de deuxième ligne qu’il s’agit lorsque l’on vise la nette augmentation, même si l’on ne peut exclure un même constat pour la première ligne.
3. Les demandes d’aide juridique de deuxième ligne traitées par les Bureaux d’aide juridique, attachés à chaque Barreau, ont augmenté et continuent à augmenter considérablement jusqu’à 30 %.
Cette augmentation peut certainement s’expliquer par les conséquences désastreuses qu’a pu avoir la crise sanitaire sur la situation financière de bon nombre de ménages ayant une seule ou plusieurs sources de revenus, qui n’ont pu être maintenus depuis cette crise, dont les effets se font encore cruellement sentir.
La crise migratoire a entraîné une explosion des interventions en faveur des très nombreux étrangers en demande de protection internationale ainsi qu’en faveur de tous ceux qui se sont retrouvés à la rue, sans lieu d’accueil ni aide.
4. À côté de ces circonstances dramatiques, possibles causes de l’augmentation, il en est une autre, heureuse, qui est le vote de la loi du 31 juillet 2020 ‘modifiant le code judiciaire afin d’améliorer l’accès à l’aide juridique de deuxième ligne et à l’assistance judiciaire par l’augmentation des plafonds de revenus applicables en la matière’.
Même si les effets de cette loi sont limités aux seules personnes bénéficiaires de l’aide juridique en raison de leur insuffisance de revenus, et non en raison de leur situation de précarité, même provisoire (détention, migration, aide sociale, handicap, etc.), elle a relevé de 400 € à ce jour les seuils d’admissibilité à l’aide juridique.
La loi a également et surtout majoré de manière significative la déduction par personne à charge dans le ménage, permettant ainsi et par exemple à un parent qui élève seul trois enfants, de bénéficier d’une déduction de 1.024,26 € de ses revenus et de rester ainsi sous le seuil des 2.107,00 € de la gratuité partielle, voire sous le seuil des 1.817,00 € de la gratuité totale.
L’accès étant facilité, les demandes forcément ont augmenté.
5. Les demandes de désignation d’un avocat ne se concluent pas toutes par une intervention effective et complète de celui-ci.
Il peut arriver évidemment que le bénéficiaire de cette aide juridique décide finalement de ne pas faire appel à l’avocat qu’il a choisi ou qui lui a été désigné, ou renonce à la procédure qu’il avait envisagée ou, au mieux, revienne à meilleure fortune et ne réponde plus aux conditions d’accès.
Cependant ces situations ne sont pas majoritaires dans la mesure où les prestations accomplies et le nombre d’affaires clôturées sont également en augmentation puisqu’on arrive pour celui-ci également à une majoration.
6. Pour permettre cet accès à la justice, les avocats volontaires comme les bureaux d’aide juridique qui gèrent celle-ci, depuis l’accueil du justiciable jusqu’aux opérations de clôture, bénéficient d’une attention des autorités gouvernementales et parlementaires, qui ont eu et ont la volonté d’améliorer l’accès au droit en consacrant enfin un budget digne de la défense des personnes n’ayant pas la capacité de l’assurer.
7. Il n’empêche.
L’accès au droit n’est pas encore pleinement rencontré, et ce ne sont pas les organisations d’aide, de soutien et de lutte contre la pauvreté et la précarité qui nous démentiront.
À côté des améliorations par l’augmentation des seuils et du budget, de nouvelles pistes sont envisagées, telle la création de cabinets d’avocats dédiés à l’aide juridique, qui, avec des assistants sociaux, ne travailleraient que dans ce seul contexte, en étant débarrassés des formalités administratives parfois insurmontables pour le justiciable. Cette approche holistique de la situation juridique est un remède au cloisonnement des prestations voulu par le système actuel de nomenclature à points que doivent utiliser les avocats prestataires.
Une proposition de résolution et une proposition de loi ont d’ailleurs été déposées dans une optique de cette création soutenue par le ministre de la Justice et le SPF Justice et pour laquelle un budget spécifique est dorénavant consacré.
8. On doit bien sûr continuer à s’interroger sur l’augmentation des interventions et surtout sur ses causes.
Mais l’aide juridique de deuxième ligne permet aujourd’hui de répondre à plus de justiciables en difficulté, sans attendre qu’ils soient étranglés, en offrant un service de qualité dispensé par suffisamment d’avocats volontaires, qui bénéficient à présent d’un budget décent, et l’on ne peut que s’en féliciter.
9. Toutes les informations concernant l’aide juridique peuvent être obtenues soit auprès du barreau de votre arrondissement, soit sur le site d’Avocats.be (Combien ça coûte ?).
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